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23.02.2024

Nourrir les plantes pour nourrir le monde

Né en 2023 du rapprochement de trois entreprises aux activités complémentaires, le groupe Bioswell se présente comme un acteur ambitieux et robuste du marché des fertilisants au service d’une agriculture raisonnée.

Lorsque Ludovic Bossé arrive à la tête d’Interfert, l’entreprise a déjà 25 ans et compte cinq collaborateurs. Elle a été fondée par son père, Jean-Luc, qui s’était spécialisé dans le négoce B2B de matières premières destinées à la fabrication d’engrais biologiques et organo-minéraux. « J’ai pris la succession de mon père en 2008. Loin de me laisser prendre mes marques tranquillement, cette première année a été très mouvementée  : elle a commencé par une grosse frayeur, une alerte sanitaire majeure, suivie d’une énorme envolée des prix qui s’est traduite par une hausse de chiffre d’affaires sans précédent. » Par la suite et jusqu’à ce jour, la trajectoire d’Interfert a toujours connu une croissance solide, l’entreprise s’imposant progressivement comme un acteur de poids au service de l’agriculture raisonnée, « c’est-à-dire une agriculture qui recherche un équilibre entre la production et le respect de l’environnement, en adaptant notamment les apports en fertilisants aux besoins réels des plantes », résume le dirigeant. 

La fertilisation apparaît comme un maillon essentiel de souveraineté pour l'agriculture française.

Ludovic Bossé

Ludovic Bossé

PDG de Bioswell

Découvrir son parcours

Interfert + AD Fert + Impact Pro + Impact Pro Distribution

En 2011, Christophe Rocquigny, un client d’Interfert, propose à Ludovic Bossé une association pour la reprise d’une entreprise. Ce dernier est partant, le projet avance bien mais, au dernier moment, le vendeur se désiste. Loin de se laisser abattre, les deux partenaires décident de se lancer ensemble dans l’aventure d’une création ex nihilo en s’appuyant sur la complémentarité de leurs activités. « Moi, j’apportais un large fichier de fournisseurs, lui était en contact avec de nombreux clients potentiels », explique Ludovic Bossé. La nouvelle structure, baptisée AD Fert, choisit dans un premier temps le créneau du courtage, se positionnant comme intermédiaire facilitant les transactions entre agriculteurs et négociants d’engrais à base de sulfate de potasse et d’amendements calcaires. Par la suite, les deux dirigeants la réorientent vers une double activité de mélangeur et de négociant pour faire face à une pression croissante sur les approvisionnements de la part d’acteurs venus d’autres secteurs. À la fin de la décennie, nouvelle évolution : les deux associés entrent au capital d’Impact Pro (fabricant de biostimulants et d’engrais liquides foliaires) et d’Impact Pro Distribution (fabrication de produits d’hygiène et de propreté concentrés), des entreprises basées à Chartres (28), dont le président Pascal Perruchet est un ami de longue date de Christophe Rocquigny.

Les trois structures étaient en croissance dans un secteur lui-même engagé dans une dynamique très positive

Lucas Cornette

Lucas Cornette

Directeur d'investissement, Isatis Capital

Sous une seule bannière

Interfert, AD Fert et Impact Pro sont alors trois sociétés intimement liées, mais indépendantes les unes des autres. L’annonce des projets de retraite de Pascal Perruchet et Christophe Rocquigny va tout changer. « Notre banquier nous a alors conseillé de réunir les entreprises sous une même bannière à travers le rachat de titres des dirigeants sortants et la création d’une holding qui, à terme, élargirait parts de marchés et gammes de produits. » Pour cela, Ludovic Bossé a besoin d’un investisseur financier capable de construire ce type d’opération complexe. Il rencontre alors une dizaine de fonds avant de choisir Isatis Capital, « parce que l’équipe a su comprendre très vite nos métiers et nos préoccupations et nous montrer qu’ils avaient réellement envie de travailler avec nous ». « Pour notre part, nous avons été immédiatement séduits par la personnalité de Ludovic Bossé, se souvient Lucas Cornette, directeur d’investissement chez Isatis Capital. Lorsque nous prenons la décision de nous engager, nous nous intéressons au moins autant au capitaine qu’à son navire, un investissement est avant tout une rencontre. » Et ce capitaine-là présentait une solide expérience dans des univers très différents, doublée d’indéniables qualités humaines. Quant au navire, il voguait toutes voiles dehors. « Les trois structures étaient en croissance dans un secteur lui-même engagé dans une dynamique très positive, en ligne avec les attentes sociétales et les grands enjeux environnementaux. » Bioswell naît officiellement en janvier 2023. Très peu de temps après l’entrée au capital d’Isatis Capital, la structure réalise une première acquisition : une société dédiée aux produits d’hygiène à l’usage de l’agriculture. Fort de 26 collaborateurs répartis sur trois sites, le groupe Bioswell se présente aujourd’hui comme un acteur global spécialisé dans la conception, la fabrication et la commercialisation de fertilisants minéraux et de biostimulants, ainsi que dans le négoce de coproduits minéraux et organiques.

Un univers confronté à de nombreux défis

La ligne de conduite est claire : accélérer son développement pour répondre toujours mieux aux enjeux d’un monde confronté à de nombreux défis. « Pour résumer, l’agriculture dispose de moins en moins de terres arables pour nourrir de plus en plus de monde, avec des contraintes réglementaires qui augmentent à vue d’œil, le changement climatique qui bouscule pratiques et rendements et une concurrence mondiale très agressive. » Dans ce contexte inédit, la fertilisation apparaît comme un maillon essentiel de souveraineté pour l’agriculture française. Et les sociétés du groupe Bioswell veulent contribuer activement à la transformation et à la décarbonation du secteur, à travers un vaste panel de solutions durables et innovantes. Pour ce faire, elles disposent de solides atouts. Ainsi, Interfert se distingue par la taille de son portefeuille de produits, qui lui donne le loisir de travailler avec l’ensemble des fabricants d’engrais organiques européens et, à travers eux, avec toute l’agriculture biologique. « Nous sommes constamment en recherche de nouvelles solutions plus durables à proposer à nos clients. Nous croyons beaucoup à l’économie circulaire. Les déchets des industries agroalimentaires représentent d’immenses gisements de matières premières de qualité : farines de plumes, de soie de porc ou de sang, coques de cacao, cendres de biomasse… » Dans le même temps, chez Impact Pro, l’accent est mis sur la recherche et le développement, avec, en particulier, des projets visant à développer des molécules biosourcées pour la protection des cultures contre les maladies, les insectes et les ravageurs.

L’enjeu des années à venir ? Profiter pleinement des synergies entre les différentes structures, en s’appuyant sur les forces de chacune, qu’il s’agisse de mettre en commun les clients, les fournisseurs, les moyens industriels ou les forces commerciales. « Dans ses équipes, Bioswell compte plusieurs talents prometteurs, dont certains sont devenus associés lors de la création de la holding, précise Lucas Cornette. C’est un signal positif important pour l’avenir du groupe, qui dispose désormais de tous les leviers nécessaires pour s’affirmer comme un champion européen des produits naturels pour l’agriculture raisonnée. » Même enthousiasme chez Ludovic Bossé. « Dans cinq ans, résume-t-il en guise de conclusion, nous aimerions avoir doublé de taille avec une diversification à l’international, en commençant par les zones où les potentiels de développement sont les plus élevés, en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Autant de marchés où nous commençons d’ores et déjà à prospecter… »


Chartres : une usine en transition(s)

Créée en 2015, à Chartres, l’usine d’Impact Pro compte aujourd’hui 15 collaborateurs qui fabriquent des engrais foliaires et des biostimulants haut de gamme, à un rythme d’environ 2,5 millions de litres par an, pour une gamme de 70 produits. Depuis son ouverture, ce centre de production a fait l’objet de plusieurs aménagements pour conjuguer responsabilité environnementale, productivité et protection de la santé des salariés. Tout l’éclairage a ainsi été remplacé par des LED dont l’intensité varie en fonction de l’activité. Une lagune a aussi été créée afin de collecter les eaux de lavage qui ne sont, de ce fait, pas rejetées dans le réseau. Avec l’aide d’un financement de la BPI et de la Carsat, Impact Pro s’est également dotée d’un robot qui va accélérer les cadences de fabrication tout en soulageant grandement la pénibilité du travail des opérateurs. Dans les années qui viennent, l’usine devrait franchir un nouveau cap avec la création d’une salle d’expérimentation dédiée à l’équipe de R&D pour mettre au point de nouvelles molécules. Et par la suite, le groupe aimerait doubler la production du site. Les investissements sont déjà chiffrés, ils porteraient essentiellement sur la création de capacités de stockage supplémentaires in situ.